Les bas-fonds

 

Une société de colchiques rendus admirables par des embellissements génétiques pivote au passage d'un vent inconnu, visible et beau. Des oiseaux extraordinaires font des ronds et les ronds qui restent suspendus s'animent de pulsations pour émettre des fréquences musicales en clé de sol. Parfois, du fond de l'eau, remonte à la surface, par intermittences, une étrange réverbération. C'est le trésor englouti de Piotr le pirate qui, de temps à autre, rayonne encore. Peu nombreux sont ceux qui savent que le pirate Piotr n'est jamais mort, sinon que, sentant venir le naufrage, il a appris à respirer comme les poissons. Il s'abrite dans l'épave submergée de son vaisseau et quand il s'ennuie, il sort à l'eau libre avec le coffre du trésor ; lentement il soulève le couvercle pour que le trésor réverbère vers le haut puis il referme et il l'ouvre à nouveau et ainsi de suite pour envoyer à la surface un maximum de réverbérations. Quand il en a assez, il referme à triple clé et s'en va nager dans les récifs entre les algues et les coraux, d'où il ramène son dîner à base de plancton. Ne t'avise pas de revenir parmi nous, Piotr, même pour nous donner des pièces d'or ! Tu nous fais peur. Non pas à cause de ton crochet qui te sert de main gauche, ni de ton œil droit vide sous le bandeau, ni à cause non plus des nageoires qui ont fini par te pousser dans les oreilles ou de tes pieds déjà de palmipède, mais parce que tu es un homme des bas-fonds.

novembre 2017
remanié octobre 2020

 

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn