Jeu de filles

 

 

Tac, poursuite, cercle glouton, enclos, clotte, capite : je joue à ces jeux de billes comme un garçon, mais avec des bizarreries de fille.

Je n'aime pas jouer, parmi les billes opaques, avec la tourbillon en spirales insipides, ni avec la clown, banalement bariolée, ni avec la pépite en confettis ; mais j'aime la galaxie, en pointillés blanc sur fond noir parce qu'elle est un petit univers avec sa ronde de planètes ; on dirait que la saturne s'en est détachée, mais comme elle n'a pas de vraies orbites, je l'aime moins ; plus acceptable toutefois que l'américaine, blanchâtre et striée comme des globes oculaires et que l'italienne en fromage, tomate et romarin ; nous nous amusons bien avec la pétrole au vert profond très miroitant qui nous caricature vilainement à la surface, mais je préfère naturellement les florales qui font Christian Lacroix et les géométriques qui font Jean-Paul Gaultier.

Les billes les plus harmonieuses sont les transparentes, non pas celles où l'on retrouve de douteuses fioritures, mais les unies sans autre motif que des bulles d'air qui sont, paraît-il, des imperfections, toutefois bien gracieuses ; mais papa et maman m'ont acheté à Murano un calot qui figure un bocal où les bulles d'air ne sont pas des défauts, sinon la respiration du poisson rouge à l'intérieur. Et pour ne pas l'abîmer il ne sert pas non plus à jouer. Je ne trouve aucun charme à la perroquet en gribouillages verts et rouges et je ne suis pas à l'aise devant la pupille jaune de l'œil de chat qui me regarde la regarder ; j'aime en revanche les créatures étranges dans les profondeurs de l'araignée.

Entre les opaques et les transparentes il y a les billes translucides ; elles sont aussi parfois mystérieuses, comme la fantôme avec son spectre interne qui n'est pas à vrai dire très effrayant ; mais j'aime surtout le cristal de glace dépoli de la givrée et celles qui ont aussi leurs couturiers qui les ont vêtues en voiles, en fumées ou en nuages ; elles sont toutes magnifiques, mais c'est encore plus merveilleux quand, en blanc et en écumes illuminées, resplendit celle que je nomme la mariée ; au désespoir des garçons qui ne veulent plus me laisser jouer, surtout depuis que j'ai inventé qu'elle épouse un génie ludique malicieux.

 juin 2012

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