Madame Escher

 

 

lezardUn soir hollandais de l'année 1906, Mme Escher, après avoir mis au lit son fils, le petit Maurits Cornelis, alors âgé de 8 ans et futur dessinateur célèbre de mondes impossibles, lui raconta l'histoire que voici.

 Un lézard, long d'au moins quinze centimètres, prenait le soleil paisiblement sur un rocher, quand derrière lui un autre lézard de même dimension et identique en tout point l'approcha ; sentant la tête du deuxième lézard contre sa queue, le premier lézard se retourna avec la vitesse de l'éclair et colla à son tour sa tête contre la queue du deuxième, formant ainsi tous les deux un cercle, tête contre queue ; et voilà qu'ayant peur l'un et l'autre, au lieu de partir chacun de son côté comme ils étaient venus, ils se mirent conjointement à s'entre-dévorer, toujours en cercle, en commençant par la queue, suivie du corps, et enfin de la tête, jusqu'à ce que, complètement enfouis l'un dans l'autre, il ne resta plus rien ni de l'un ni de l'autre.

L'histoire se voulait moralement édifiante, mais seul restait dans l'esprit du petit Morits Cornelis qui écoutait, l'image impossible d'un lézard dans le ventre de l'autre qui était dans son ventre, et tous les deux nulle part !

Sans s'en apercevoir, en refermant la porte, Madame Escher déclencha dans la chambre en pénombre, autour de l'enfant qui sans doute les rêvait, un tournoiement silencieux de mondes imaginaires, non pas des mondes de fantaisie affranchis de toute loi, mais soumis à l'autorité déroutante du Paradoxe.

 

janvier 2014

 

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