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- Créé le jeudi 17 octobre 2013 15:12
- Mis à jour le mardi 27 février 2024 10:02
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De tronc en branche
Il arrive souvent à ceux qui écrivent que dans le repos de la nuit nous ayons le sentiment d'une trouvaille lumineuse qui sans effort de notre part s'impose d'elle-même à notre esprit endormi. S'engage alors une lutte entre le sommeil et la volonté de retenir le souvenir, mais, même si nous parvenons à gagner les rives de la conscience, il est dans la nature des choses que nous soyons incapables d'apprivoiser quoi que ce soit ; l'évanescence est toujours plus rapide que le réveil et laisse derrière elle quelque chose de vague, un ou deux mots, une trace, un mouvement, rien de saisissable. Quel dommage, c'était si bien ! et nous cherchons à nous replonger dans la consolation nocturne du sommeil.
Cette nuit, j'ai eu cette sensation. Mais pour une fois, dans un état de semi-veille que je ne saurais décrire, j'ai pu attraper le stylo et le cahier qui dorment avec moi et sans prendre le temps de chausser les lunettes, car je savais la chose fugitive au plus haut degré, j'ai pu noter, je veux dire que je ne rédigeais pas, mais que je transcrivais quelques lignes comme sous l'effet d'une dictée. Ensuite c'est dans un état de satisfaction que je fermais mon cahier en même temps que mes yeux. J'ai dormi.
Au réveil, ce matin, le texte de mon imagination somnambule était bien là, sur mon cahier, de ma main, mais sans force ni magie et surtout ce qu'il dit m'a paru bien curieux :
« regarde bien : de tronc en branche, les plus fines ramifications vont se briser et nous laisseront tomber, malheureux, assis par terre ».
Cela m'a fait sourire comme ne voulant rien dire. Cependant, la journée avançant, je commençais à croire que l'image dont il est question, celle d'un regard qui s'élève du plus solide de l'arbre jusqu'aux extrémités fragiles qui se briseront sous l'effet de je ne sais quel poids provoquant je ne sais quelle chute, cette image, décrit à sa manière la déception qui accompagne les réveils d'un sommeil que nous avons cru créateur.
2011